Texte de Patrick Mecucci pour l’ouvrage « Dramagraphies » aux Editions Ankama

pmMichel m’a montré son travail pour la première fois il y a plusieurs années. Il n’y avait alors qu’une petite dizaine d’images. Anecdotiquement, cela vous donne une idée du temps de gestation de chacune d’elles.

Je me souviens très bien du premier choc devant ces tirages grand format où l’œil rencontrait partout une profondeur de champ absolue. Je lui en fis la remarque, lui disant que « ce n’était pas comme ça dans la vie » et lui de me répondre que si. Il avait raison bien sûr, regardez autour de vous, n’importe où vous posez les yeux : c’est net. Ce sont les limites optiques des appareils de prise de vue qui nous ont habitués à des lointains flous.

De fait, chaque image débordait de vie, chaque détail prenait une place imposante sans que le thème principal de l‘image soit pour autant sacrifié. Cela, c’est la récompense d’une composition irréprochable où votre regard est conduit là où le peintre (nous y arrivons) le souhaite…

J’ai compris là que, si Michel avait cessé d’utiliser l’acrylique ou l’huile depuis plusieurs années, il n’avait jamais cessé de peindre. Je pensais regarder des photos, je me retrouvais devant des tableaux, peints à l’objectif plutôt qu’à la brosse. « Autoportraits » semblait bien pauvre pour définir ces univers. « Dramagraphies » s’imposa.

C’était notre univers de théâtreux qui s’étalait là, mis en scène par l’œil du peintre : derrière ces personnages et ces scènographies, se devinait une dramaturgie sournoise qui se dissimulait dans l’imagination du spectateur. Qui, pourquoi, comment, où donc, mais Bon Dieu quand ? Tout était possible pour chaque histoire suggérée : c’était le spectateur qui bossait.

Dans chaque image, la force comique éclatait, avec gentillesse et simplicité et pourtant, chacune d’elle fonctionnait comme ces « vanités » des XVIe et XVIIe

 

Extrait de l’interview réalisé par Henri Peyre pour « galerie-photo »

Michel pouvez-vous nous expliquer votre projet ?
Parler de mon travail est un exercice difficile pour moi, disons que ce projet est né du fait que j’ai pratiqué différentes formes artistiques et que j’avais envie de les réunir. Le théâtre comme acteur et décorateur, la peinture, la photographie et un plaisir à raconter des « histoires ». Recomposer des images où toutes ces formes d’art seraient présentes,mais avant tout présenter un instantané d’images intérieures accumulées depuis l’enfance.

hpPourquoi vous mettez-vous seul en scène ?
Ce n’est pas vraiment moi que je mets en scène dans les Dramagraphies, ce sont plutôt des rôles que j’interprète comme acteur; La distanciation est importante, elle me permet de « projeter » les images plutôt que de les intérioriser. Certes les images « sortent » de ma tête mais je ne raconte pas ma vie, je m’amuse à l’interpréter sans me soucier de mon image physique, j’aurais plutôt tendance à la déformer. J’aime la caricature car elle oblige au parti pris.

Vous aimez une certaine emphase dans l’image photographique, là où la photographie s’est établie sur une légitimité documentaire et joue plutôt sur la mise en scène de sa neutralité : vous n’avez jamais eu la tentation de construire un vrai faux plus beau que nature comme par exemple Gregory Crewdson ?
J’aime bien ce photographe bien que ses images donnent envie de mettre un bon pull. je suis du genre a réchauffer l’eau du bain. J’aime les images qui racontent des histoires et la neutralité envahissante de la photographie actuelle ne me plaît pas. Je suis un adepte du parti pris! Je sais bien que mes images peuvent sembler passéistes alors que les milieux de l’art contemporain sont « accro » aux « formes nouvelles », mais le problème est bien là : la grande majorité des images privilégie la forme et l’on s’ennuie bien souvent.

A l’heure actuelle vous reconstruisez vos photographies à partir d’objets rassemblés un à un. Avez-vous déjà pensé « studio » : c’est-à dire pensé faire un montage en réel que vous auriez photographié à la chambre ?
Monter un décor en studio demande des moyens financiers importants. Je préfère construire mes décors « à la maison » sous forme de maquettes volume et d’objets photographiés séparément. Je garde toujours la possibilité de changer, d’ajouter ou d’enlever un objet, de modifier son éclairage.

Henry Peyre pour galerie-photo.com